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Les filles qui la nuit
Lunes 13 de Agosto, 2012


Les filles qui la nuit

Elles s’appellent Monique, Françoise, Josette ou encore, Yang ; ce sont celles qui, nuit et jour, parcourent les trottoirs de long en large, attirant les regardsintéressésde ces Messieurs. La position bien étudiée, elles attendent qu’on vienne les trouver ; elles se prostituent, c’est-à-dire qu’elles échangent leur corps contre de l’argent. La prostitution reste bel et bien féminine même si l’homme, le Monsieur, tend également à vendre ses bienfaits et ce, depuis bien longtemps.

            Face à ces marchandes d’amour, tout un chacun fait le choix de réagir comme il le souhaite. Tandis que l’un souffrira de voir une de ces filles de joie adossée à un mur  ̶  parce que ce n’est pas beau, parce que c’est laid  ̶̶             l’autre s’offusquera de sa condition avilissante, de sa condition d’esclave. Enfin, il y aura ceux pour qui la machine à plaisir est un métier comme un autre, tout ce qu’il y aurait de plus anodin.

            L’homme va  «  aux putes » pour de nombreuses raisons : la recherche du plaisir, l’absence du soi, la domination, cela a de quoi attirer foule. C’est comme si, durant une période déterminée, l’on oubliait d’où l’on venait ;l’on se déracine, un peu comme dans une partie de rami. On regarde toujours d’un œil inquiet l’homme qui, de sa main,  caresse la poitrine plantureuse de la belle, de la belle de nuit. On se dit que c’est sale, que c’est indécent, on ferme les yeux et on passe notre chemin.

            Cette même indécence et cette même saleté ont été, à maintes reprises, représentées à travers l’art, elles ont été, sans le vouloir, artistisées ;c’est-à-dire que des êtres humains y ont trouvé de l’intérêt, des sensations. Art verbal comme art non verbal ont servi la cause des prostituées, de façon à reproduire des sentiments, des passions. Il est vrai que de nombreux peintres et écrivains ont souvent rabaissé les belles-de-jour, de manière à les rendre innommables à la bouche de la société mais cette situation tend à s’atténuer.

            L’optique de ce travail n’est pas de m’intéresser aux origines de la prostitution ou de me lamenter sur le sort, malheureusement sordide, de ces femmes ; il s’agit plutôt de décrire la réception, ma réception d’œuvres auxquelles j’ai été exposée. Pour ce faire, j’ai choisi un objet culturel littéraire, pictural et musical et ai tenté de représenter au mieux l’engouement que ceux-ci ont suscité en moi.

 

  Egout séminal mon amour

J’ai toujours été attirée par la femme-putain. Dans mon enfance, tous les dimanches, je me rendais chez ma tante, au 29 rue Sainte-Apolline, une rue perpendiculaire à la rue Saint-Denis. Il est vrai que ce quartier est réputé pour son indécence, son marchandage. Je me souviens que quand nous passions dans ces rues, ma mère ne prenait pas le temps de s’arrêter devant une porte d’immeuble, par peur d’être mal considérée.

La fenêtre de l’appartement de ma tante, celle qui donnait sur l’extérieur, s’est faite l’antre de mon éducation. Je me mettais à genoux devant elle et,  passais ma tête derrière le rideau afin d’avoir une vue imprenable sur la rue. Au début, je ne m’amusais qu’à compter le nombre de voitures qui passaient par là,  je m’ennuyais beaucoup. Peu à peu, mon regard s’est détourné sur ces dames-là, celles qui prenaient le temps de s’arrêter devant les portes. Il y  en avait beaucoup. Tout en elles m’intriguait ; la tenue vestimentaire, la façon de se tenir, le regard, tout était différent de ce à quoi j’étais confrontée chaque jour. Alors, je regardais, je guettais. Je pouvais passer des heures à pratiquer cet exercice, à nommer ces femmes par des prénoms qui me passaient par la tête.

Ma mère m’avait expliqué, avec ses mots, la raison de leur attente : si elles étaient «  gentilles » avec les «  messieurs », elles obtiendraient de « l’argent ». La première rencontre à laquelle j’eus affaire restera à jamais graver dans ma mémoire. Un soir,Françoise, l’une de mes préférées, se mit à parler avec un inconnu. Je me doutais que c’était l’un de ces « messieurs » qui venait lui parler, lui parler, lui communiquer des choses. Je n’entendais pas le son de leur voix et n’arrivais pas non plus à lire sur leurs lèvres. Je n’imaginais pas non plus ce qu’ils pouvaient bien se raconter, je crois que ça m’était égal. Françoise mettait ses attributs féminins en valeur, elle se dandinait devant lui. Je ne pensais pas qu’une telle parade pouvait séduire ou du moins attirer l’homme, ce cochon. Il s’est mis à la toucher, à l’embrasser,  à la déshabiller. Son regard m’a d’abord dégouté puis, à la longue je m’y suis faite. Françoise l’a par la suite pris par la main et  emmené hors de ma vue.

Avec du recul, il me semble que ces situations ne me déplaisaient pas. C’est comme si j’allais au cinéma. C’est toujours difficile à dire, ce genre de choses. Dire que l’on apprécie mirer, derrière une fenêtre l’entrevue d’une prostituée et de son client, ça a de quoi interroger, perturber.Quand on pense au fait que même les armées religieuses avaient leur lot de prostituées…Puis, faut dire que, c’est qu’on en avait besoin dans le temps ; pour ne pas violer les femmes de  bonne famille, on envoyait ces messieurs chez les gueuses, c’était plus simple ; de bons soldats.Quoi qu’on en dise, elles sont nécessaires à la sûreté de l’homme, comme de la femme.

Je  leur porte un vif intérêt car ce sont des personnes que l’on a toujours mises de côté, que l’on a toujours voulues cacher aux yeux de l’autre société.«  L’égout séminal de la société, la poubelle, mais une société responsable doit s’occuper de ses déchets ! », on remarque à quel point Parent-Duchâtelet se soucie de l’acheminement des eaux usées. Pour une question de sécurité sanitaire, ce bon médecin optera pour l’enfermement total des filles de joie. Si on en croit ce traité écrit en 1857 «  De la prostitution dans la ville de Paris », ces filles seront bien traitées, correctement nourries et logées ; il y est même écrit que la femme-putain pourra refuser l’homme-client si celui-ci semble malade. Allons donc…

            L’égout séminal, je l’artistise.   


Chante mon merle, tu auras une belle cage  

La musique, art libérateur de toutes frustrations, s’est souvent intéressée aux femmes des pavés ; pour en rire ou en pleurer, elles sont bien là, présentes et de ce fait inoubliables, inévitables. La première moitié du 20ème siècle se trouve être prolifique, les artistes chantent la cloche, la misère et la putain ; elles émeuvent et importunent. La chanson réaliste a contribué à peindre les instants noirs, répétitifs, de la vie de joie en associant subtilement le texte à la voix. La prostituée est humanisée, on la considère, du moins le temps d’une petite cantate.

Marguerite Boulch, dite Fréhel, fut l’une des figures des plus considérables en terme de chanson réaliste. Cette grande dame chanta les péripatéticiennes avec justesse et intérêt. Sa voix, liée à ces textes plein de rudesse, rend ses chansons éprouvantes et ce à chaque fois qu’on les écoute, comme pour la première fois. L’une d’entre elle m’interpelle en particulier, c’est « Les filles qui la nuit », écrite par J. Boyer et M. Aubret, interprétée par Fréhel en 1936. Vous trouverez le texte dans l’annexe.

La femme-putain est décrite du côté pile comme du côté face. Quand on chante la prostituée, on a tendance à la blâmer ou à lui attribuer un dangereux pouvoir de séduction que je ne saurais nier ; et mis à part ça ?  Il est difficile à croire, pour encore un certain nombre de personnes, que la «  gueuse » puisse avoir l’envie d’avoir un enfant ou de tomber amoureuse.Les paroliers nous offrent des souvenirs, font tomber les masques que le trottoir tend à leurfaire porter.« Les filles qui la nuit » montre l’ambivalence d’un caractère difficile à cerner. Tout est encore une question d’intérêt. Plus les années s’écoulent, plus les gens manquent d’intérêt, mis à part pour le chèque qui arrive en fin de mois ou encore pour le dernier roman de Marc Levy (aussi littéraire soit-il).

Les paroles ne sont pourtant pas difficiles à comprendre, le choix des mots est simple mais permet ainsi à vulgariser la vie de joie. La voix y est également pour beaucoup. Aujourd’hui, aucune « chanteuse » ne pourrait interpréter cette chanson comme l’a fait Fréhel, seules les «  divas » de l’entre-deux-guerres en étaient capables. Il y avait quelque chose dans leur timbre de voix qui faisait qu’elles se prêtaient parfaitement bien à la chanson réaliste, à chanter la réalité.

J’aimerais parler brièvement d’une autre grande figure du XXème siècle, l’homme à la moustache : l’anarchiste Georges Brassens. Doué de sagesse, vertu peu usitée de nos jours, il a intégré à ses douces paroles, de bien dures vérités. Comme quelque peu d’autres, il a chanté la femme-putain. Tout le monde se sera déjà laissé entraîner par la célèbre «Complainte des filles de joie », dont les derniers vers révélateurs, resteront dans la postérité :

«  Il s’en fallait de peux mon cher

                                     Que cett’ putain ne fût ta mère

                                     Cette putain dont tu rigoles

                                     Parole, parole,

                                     Cette putain dont tu rigoles. »

            Je ne sais pas si l’on peut parler de triangle «  artistiseur », au pire, cela fera un beau néologisme. Ce triangle équilatéral aurait pour points l’artiste, son œuvre et  le public ; pour être plus précis, une relation à trois. L’un ne vit, ne ressent qu’à travers l’autre. Si cette relation est défaillante, l’artistisation partira en fumée, n’évoquons même pas la désirabilité.Je suis très sensible à la réception d’une œuvre, l’impact qu’elle génère sur les spectateurs.

 Encore une fois, je ne souhaite pas partir dans des élucubrations pseudo-philosophiques qui ne feraient que m’éloigner de ce que je veux vous présenter. Je n’ai pas envie de me référer à Barthes et encore moins envie de parler de l’aposiopèse au XIIIème siècle (choses sur lesquelles je serais incapable de disserter); je veux juste vous présenter des émotions, ce que je ressens en voyant, en écoutant telle ou telle chose. Il me semble vous avoir entendu dire que c’est ce que vous souhaitiez, de l’interprétation.

 

Regina, la fille qui luit

Enfin, vint le moment de la réalité, celle à laquelle on ne peut se heurter. Malgré toute la légèreté fleurissante que peuvent dégager les prostituées, il n’en reste pas moins une grande part de misère. Au début de ce travail, je ne souhaitais pas évoquer cette face cauchemardesque connue de tous puis, j’ai eu affaire à un certain Rouault,  à  une certaine «  fille au miroir ». Vous trouverez une photo de ce tableau, bien qu’en noir et blanc, dans l’annexe.La peinture est l’art que je néglige le plus mais il est peut-être, le plus apte à représenter les choses du monde. J’ai plus tendance à écouter de la musique dans le noir qu’à aller me balader dans les musées, c’est une faute.

Quoi qu’il en soit, un soir, la «  Fille au miroir » est venue me déloger de mon train-train musical quotidien. J’ai aussitôt fait une recherche sur son auteur : Rouault, Georges de son prénom, fut l’un des peintres religieux des plus importants de son époque (XXème siècle). Rouault prêtait une intention particulière aux miséreux, aux prostituées, cela va de soi. Il les prenait en pitié et traduisait ce qu’il voyait par des coups de pinceau.

Quand j’ai vu la «  Fille au miroir », j’eus envie de lui donner un prénom. J’ai un besoin nécessaire de nommer les choses, ça me rassure ; Régine, c’est bien. Les prostituées sont souvent représentées assises et allongées, cette position qui leur sied bien me fait penser à de l’attente, pas forcément celle d’un quelconque client mais d’une attente tout court.  Régine ne manque pas le coche, elle est assise, sur une chaise donc, elle attend. Elle est également nue, mis à part les bas qui recouvrent une partie de ses jambes. On dirait qu’elle est en train de se coiffer, autrement dit qu’elle est en plein rituel, qu’elle se rend belle pour le monsieur.

 Les expressions de son visage ne sont pas les mêmes quand on la regarde de profil et de face. De profil, on la sent en pleine préparation, une préparation qu’elle réitère chaque jour, c’est l’infatigable  rengaine. Son œil est noirci, en cela Régine est dépersonnalisée, Régine devient toutes les autres. De face, c’est une autre histoire. C’est le miroir qui nous permet de voir Régine de face, l’unique Régine. Je me souviens avoir été glacée en la regardant dans les yeux, ces yeux des ténèbres. Elle me fait le même effet que Jésus sur sa croix, crucifié. Quand on y pense c’est un peu la même chose, elle est cloué à sa condition de « pute » comme Jésus a peut-être cloué à sa condition de « sauveur ». Et ces couleurs alors ? La peau de Régine sent le corps mort, froid,  la viande en décomposition. Cependant, il luit. La couleur de son corps éclaircit la noirceur du tableau. Par la même occasion, elle éclaire les conditions de son métier.

Rouault a réussi à faire quelque chose de bien, d’important. Tout bon catholique qu’il était, il estimait tout de même les prostituées.  Il représente d’un côté l’image de ce travail, dans son aspect technique si je puis dire et de l’autre côté, réussit à mettre toute la misère du monde dans les yeux de Régine. Deux aspects, deux visions. Pourtant, le miroir est le reflet de notre image, il est objectif, sincère, tout ce que n’est pas l’homme. C’est peut-être pour cela que ce genre de peinture existe, pour rappeler aux citoyens que d’être prostituée, ce n’est pas rose tous les jours, qu’il y a autre chose en dessous de l’attitude de la racoleuse qui crie dans la rue.

J’aime ce que vocifère Régine dans ce tableau-là, c’est un appel à l’admiration et on se doit de l’admirer. Ce tableau ne représente pas juste la misère commune, il y a quelque chose de plus et je n’arrive pas à mettre de nom dessus, ça me perturbe.

 

« Je veux être honnête, sincère, pute. »

Boule de suif, Nana, et toutes les autres… Ces femmes-putains viennent des livres, de la plume des écrivains, des hommes tels que Zola et Maupassant. Même si l’on sait que ces deux dames-là ont existé dans le temps, ces deux auteurs n’en ont pas moins fait un travail d’artiste. La représentation, l’écrivain présente, toujours, du moins il tente. La syntaxe et la ponctuation peuvent faire beaucoup pour représenter à condition que le lecteur observe et écoute attentivement la phrase. J’aime énormément lire, je trouve ça encore mieux que le cinéma car là, on a le choix : tout est autorisé, on s’imagine ce que l’on veut. C’est la représentation.

La littérature tente souvent de retracer la vie de la prostituée d’une façon peu originale. Avant d’acheter le livre, de le lire, on sait que ça va être triste, que l’écrivain va mettre les bouchées doubles pour essayer de nous émouvoir, avec de tendres mots et des moments difficiles. Je n’apprécie pas ce genre de livres. Je n’aime pas non plus la littérature contemporaine pourtant, celui dont j’ai décidé de vous parler a été publié en 2010. Je l’ai trouvé tout à fait par hasard dans un rayon à côté de la littérature érotique.

Ce livre s’intitule tout simplement Pute., écrit par une certaine Maria Luna Vera, on ne sait rien de cet auteur, à part qu’il n’a pas de biographie. Néanmoins, il aurait fait Science-po. Ce récit à la première personne se veut une sorte de journal intime, l’auteur le qualifie ainsi dès l’incipit «  Quand je travaillais comme pute, je tenais un journal intime. Pute. est le produit de ce journal, intime. ». La narratrice va s’installer chez son amie d’enfance, Louise, à Miami. Dès lors, elles se travestissent parce que «  c’est plus drôle, d’être gigolo » et partent à la recherche de clientes, auxquelles elles vendront leur corps d’homme-putain. Elles s’appellent désormais Rolando Vera et David Russo, des hommes aux origines latines.

Au fil de l’histoire, on assiste à une alternance de faits futiles et de révélations. Les moments importants se réfèrent à la relation qui lie les deux personnages, à la critique de la société «  des chiens » et, très important, à Baudelaire et Camus. Tout le reste n’est que superflus, ce sont des fausses actions ; c’est-à-dire que la narratrice ne fait que répondre à la demande du lecteur en lui servant des passages salaces d’ébats sexuels. Cette entreprise est plus cynique qu’autre chose «  Deux publics se prêtent à la lecture de tels ouvrages : le bien-pensant chez qui ils réveillent de forts sentiments de pitié, et le petit pervers en quête de scènes de cul. Chacun se branledessus. ». Le véritable but de ce livre est donc dissimulé par des épisodes inutiles, parfois risibles.

Les multiples références à Baudelaire et Camus éclairent le lecteur. La narratrice met à disposition des outils de compréhension, d’interprétation. Le premier chapitre se trouve être un extrait du Spleen de Paris :

« Qu’aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? Ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?

 ̶̶   Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.

̶  Tes amis ?

̶  Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.

̶  Ta patrie ?

̶  J’ignore sous quelle latitude elle est située.

̶  La beauté ?

̶  Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.

̶  L’or ?

̶  Je le hais comme vous haïssez Dieu.

̶  Eh ! Qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?

̶  J’aime les nuages… les nuages qui passent… Là-bas… Là-bas… Les merveilleux nuages. »

Ce n’est pas un hasard si L’étranger, meuble le premier chapitre de l’œuvre. La narratrice est elle-même une « étrangère », elle n’existe pas. Un paria de la société qui ne se complait qu’avec les sans-abris, du même acabit qu’elle « Aujourd’hui, un clochard noir, est entré dans le Starbucks. On s’est regardés, on se sent. Tous les pédés font comme s’ils l’aimaient bien, sourient quand il les regarde, mais dès qu’il s’assied à leur côté, filent et, en cachette, vont se plaindre au patron. Je crois que ça ne sert à rien de se faire des illusions, c’est lui le seul qui est dans mon équipe. ».Rolando Vera, la narratrice se met en retrait du monde et décide d’y emmener avec elle, les va-nu-pieds que même les « pédés » méprisent. C’est un acte de bravoure.

Il y a donc une société à part, celle qu’on n’accepterait pas, sans même le vouloir, s’en rendre compte.La critique de la société se veut violente, une critique pourtant implicite qui assimile l’homme au chien. Le dernier chapitre se trouve être encore un extrait de l’œuvre de Baudelaire « Les bons chiens »extrait du Spleen de Paris. Ce dernier appuie la pensée de la narratrice « J’invoque la muse familière, la citadine, la vivante, pour qu’elle m’aide à chanter les bons chiens, les pauvres chiens, leschiens crottés, ceux-là que chacun écarte, comme pestiférés et pouilleux, excepté le pauvre dont ils sont les associés, et le poète qui les regarde d’un œil fraternel. ». Chantons les parias, chantons-les ! Parlons des inégalités sociales, celles que l’on voit sans pourtant y faire attention. C’est vrai que la putain et la cloche se ressemblent. La nobles gens, les croquants, les regardent de la même manière. Au début, ils se trouvent dégoûtés par l’apparence de ceux-ci puis en vient une pointe de peine, parfois une grosse pointe. L’auteur est conscient de cela et c’est pour ça que ce livre est rempli de futilités, d’inutilités, comme ces pensées qui nous viennent en tête quand l’on voit la misère en face de nous. Quoi qu’on pense, on ne peut rien faire, c’est comme un cercle vicieux.

Ce livre est également une succession d’images, le lecteur se trouve comme dans un train, à regarder les paysages. On passe de chapitre en chapitre sans s’en rendre compte. Ca nous aide à nous déconnecter. D’ailleurs, la narratrice est déconnectée. Tout comme L’étranger de Camus, elle semble avoir les yeux vides, vitreux, comme si toute espérance l’avait quittée. La perception du monde n’a rien d’anormale mais on sent une gêne, quelque chose qui ne tourne pas rond.

Le style de l’auteur m’a tout de suite plu. Par moment elle me fait penser à Marguerite Duras, dans le sens où la voix de leurs phrases s’accorde. Cette manière d’écrire me plait car elle laisse le temps de découvrir la valeur de chaque mot, de chaquemarque de ponctuation. Les termes «  chier, paix, aimer, encaisser, payer » reviennent fréquemment, ce sont les choses de la vie, en quelque sorte.

Enfin, j’aime ce livre, j’admire ce livre. J’admire ce livre comme j’admire Régine. Ce bouquin hurle une vérité, la vérité de siècles qui ne cessent de se reproduire. Les chiens restent les mêmes.

 Ce livre sert une cause ; je ne pensais pas trouver ces émotions-là au sein de la plume d’un auteur contemporain, comme quoi la vie réserve des surprises.

                                    Mon gueuloir

J’ai écrit ces trois poèmes pour le devoir, pour le clôturer. J’espère que vous n’y verrez aucune prétention. Ca me tenait à cœur de pouvoir écrire à ce sujet-là. Je ne sais pas ce que ça vaut mais, en le faisant, j’ai éprouvé du plaisir et je crois que c’est le plus important.

«  Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi ! Car en toi mon âme cherche un refuge ; je cherche un refuge à l’ombre de tes ailes, jusqu’à ce que les calamités soient passées. »

Ce psaume-là, mon garçon, je l’ai pris à un disciple à ton seigneur, on m’a dit que ça venait de lui, que c’est lui qui l’avait écrit ; c’est que… que  je le trouve foutrement joli. Quand j’ai entendu Monsieur Lucien lecrier ,ça, l’autre matin devant mon pieu, ça m’a fait comme un souffle dans mes yeux.

Comment tu dis qu’il s’appelle ?  Ne me zieute pas comme ça toi là, l’insolent, t’es pas bien mieux que moi.C’est qu’on ne me l’a pas dit à moi, comme si les gens prenaient le temps de venir me parler, à moi,  des belles choses. Pauvre con, va, que tu ne portes pas bien ton nom ! Sauveur, en voilà une belle affaire.

 Là où je vis, mon gars, ton bon Dieu, il n’est pas. Ah si ! qu’est-ce que je dis-moi, la coco me monte au cerveau. Un beau jour, Dédé mon client, a déposé un truc sur ma table de nuit, il m’a dit que c’était lui : ton seigneur, en bois ; il avait la tronche, les panards et les menottes remplis de tâches rouges. Si tu veux mon avis, ça n’sent rien d’bon qui vaille. Je les sens moi, les traquenards. Ça m’en a bousculé le capuchon.

Ce psaume-là, je sais pas trop ce que ça veut dire. Je sais juste que ça me plait, que c’est beau. Puis, c’est peut-être, peut-être bien vrai, c’qu’il dit le pote à ton seigneur.

Pauvre Martin

Pauvre Misère

Creuse la terre

Creuse le temps

Grand-papa-Manitou l’a promis, je sèmerais pour récolter, mon grain. La tête baissée comme un cochon, mon agneau, les dents serrées et le dos courbé, ils me grignoteront… Les os.

Pauvre pantin

Pauvre mémère

Mange la terre

Mange le temps

 

                          FRERES ET SŒURS

              (C’est la voix du dedans qui fait du boucan)

                      Un, deux, trois ET un, deux, trois (STOP)

                 Je ne veux plus compter cette infâme rengaine

                         (La vérité se trouve dans mes pieds)

C’est la java bleue, la java la plus belle, celle qui ensorcelle quand on la danse les yeux dans les yeux.

                                    DRING DRING DRONG

                                    (Braille le glas)

Tous ceux que j’ai aimés et qui m’ont aimée dans le jour blême sont effacés.

Donne-moi ton coude l’ami et, prions, prions pour nous.

 

                                                         AMEN

            Le béton, le bitume

            Puis…

            La réflexion et l’amertume

            Les meubles de la ville : Françoise

                                                     Monique

                                                     Gisèle

Des pronoms communs pour des personnes devenues communes.

Assise sur ma chaise longue, je la regarde

Le trottoir lui a fermé la bouche

Elle pense à d’autres mondes et, ses grands yeux me serrent le cœur.

La ville bat ses mille tambours :

Approchez Messieurs, n’ayez pas peur, c’est la grande braderie

La ville prend ses grands airs de vautour.

Elle marche de plus en plus vite,

Les pavés claquent, elle compte.

Dans la rue : des grands, des petits,

                      des beaux meubles,

                      des meubles fatigués, des meubles  usagés.

Qu’ils sentent bon la condition humaine.

Au-dessus, tout au-dessus, les fleurs ne cessent de pousser.

Cay Selin
Université Sorbonne Paris IV
Master 1 Recherche - Langue Française

Cay Selin
Université Sorbonne Paris IV
Master 1 Recherche - Langue Française

 

 



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